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«Combien a-t-elle coûté ?»

LES COMMENTAIRES NON SOLLICITÉS

Leceta Chisholm Guibault
Mars 1996

Si vous adoptez un enfant né hors du Québec et surtout si celui-ci fait partie d'une minorité visible, vous devez vous préparer à recevoir toutes sortes de commentaires. La plupart des gens sont aimables et vous aborderons simplement par curiosité. Plus votre enfant sera jeune, plus ils le trouveront mignon. Par contre, il serait surprenant que vous n'ayez pas de commentaires désobligeants, émis par des personnes plus ou moins volontairement malveillantes. Voici les réflexions d'une mère adoptive à ce sujet.

En 1991, lorsque mon mari et moi devinrent parents pour la première fois de notre fille Guatémaltèque, alors âgé de cinq mois, je pensais bien qu'après le processus d'adoption j'étais prête à tout. Au deuxième jour de notre enfant à la maison, j'étais extrêmement fière de pouvoir enfin faire le tour du voisinage avec mon nouveau bébé dans sa poussette. Mère et fille, finalement réunies.

Nous avions à peine tourné le premier coin de rue que deux dames ont couru de leur maison pour voir la petite et exprimer leur surprise: «de loin, on aurait dit que vous pouviez être sa mère!» Je leur ai poliment répondu que j'étais bien sa mère. En riant elles dirent: «non, vous comprenez ce que je veux dire, sa vrai mère!» Ouch! Ça fait mal.

Alors, sont venus les questions.

«Où sont ses parents? » «Ces parents sont-ils morts?» «Combien a-t-elle coûté?» «Pourquoi ses vrais parents ne voulaient plus d'elle? » «Est-ce que ses vrais parents peuvent la reprendre?» «Est-ce que sa peau deviendra beaucoup plus foncée?» «Pourquoi n'avez-vous pas adopté un bébé (blanc) canadien?» «Quel âge avait sa vraie mère?» «Est-ce qu'elle a des frères et soeurs?» «Est-ce qu'elle arrivera à apprendre le français ou l'anglais?» «Est-ce que vous lui direz qu'elle est adoptée?» «Est-ce qu'elle est porteuse de maladies?» «Quelle grandeur aura-t-elle?» «C'est la faute de qui si vous n'avez pas pu devenir enceinte?» «Avez-vous essayé la fertilisation in vitro? » «Pensez-vous que maintenant que vous avez adopté vous pourrez enfin avoir votre propre enfant?» Ce n'est pas de vos affaires!!!

Alors sont venus les affirmations.

«C'est une petite fille bien chanceuse que vous avez là!» «Imaginez le genre de vie dont vous l'avez sauvé.» «Il y a une place spéciale au ciel pour les gens comme vous. » «Il faut une personne spéciale pour élever un enfant comme ça. » «Je n'aurais jamais deviné que vous n'étiez pas ses parents, vous la traitez comme si elle est la vôtre.» «Je n'adopterais jamais! Vous ne savez jamais ce que vous aurez.» «L'adoption est un bon remède contre l'infertilité! Maintenant, vous serez récompensée en ayant votre propre enfant. » «J'espère que vous saviez dans quoi vous vous embarquez! » Il y a cinq ans, je me suis plusieurs fois retrouvée bouche bée. J'étais abasourdie, frustrée et blessée. Qu'est-ce qui donne le droit aux gens de singulariser ainsi ma famille, dans des lieux tout à fait publics, et de s'attendre à des réponses sur des sujets si personnels? Maintenant que ma fille a cinq ans et qu'elle est fière d'être la soeur d'un petit colombien de 22 mois, elle est l'innocent témoin de cette invasion. Elle est très fière de son petit frère et le voit exactement comme il est: son frère.

Récemment, dans un centre commercial, un homme me regardait longuement, puis il regardait mes enfants, puis encore moi. Avec ma fille à mes côtés, qui écoutait attentivement, il demanda: «Ils sont à vous?» «Oui.» «Sont-ils frères et soeurs ?» La petite mit une main protectrice sur l'épaule de son frère et répondit: «C'est mon nouveau petit frère».

L'homme me regarda et dit: «ils ne se ressemblent pas, ils ne peuvent pas être de vrais frères et soeurs!» Je jettai un coup d'oeil à ma fille et fermement mais calmement je lui dit: «Ils sont frères et soeurs». Il sembla perplexe et continua: «Mais je suis certain qu'ils ne sont pas frères et soeurs de sang!» Réalisant à ce moment que ce qui était vraiment important c'est ce que ma fille pouvait tirer de cette conversation, je pensai qu'il était temps de mettre fin à cet interrogatoire. En souriant à mes enfants, nous nous sommes mis à marcher tout en finissant la discussion: Monsieur, croyez-moi, ils sont vraiment frères et soeurs.

Ainsi, il arrive souvent que quelqu'un veuille «informer» mon enfant chérie qu'elle est une «petite fille très chanceuse». Je suis alors très rapide pour répondre: «Mais, c'est son père et moi qui sommes chanceux d'être choyés par elle!» Quel enfant mérite de se faire donner l'impression que ses parents font un acte de charité en l'adoptant? Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas accepter notre famille comme elle est, faite d'amour et d'un engagement à vie? Est-ce si difficile à comprendre?

Comment se fait-il que nous sachions qu'il ne faut pas demander aux gens combien ils ont payé leur maison? Quel est leur salaire? Combien ils ont payé leur auto? Combien de mois ils ont «essayé» avant de concevoir leur enfant?

Mes enfants sont maintenant assez vieux pour écouter. Croyez-moi, la peine qu'on voit dans leurs yeux, lorsque des commentaires racistes leur sont adressés, est bien pire que la peine de s'érafler un genou ou de tomber de bicyclette. Il est plus difficile de mettre un bandage sur son coeur ou sur son estime de soi.

Quand les enfants vieillissent, ils ont besoin de nous pour «essayer» de comprendre ce qu'on ressent lorsqu'on grandit dans une minorité, avec des parents blancs et un frère blanc. Lorsque j'ai adopté ma fille en 1991, je pensais que si quiconque venait l'agacer, je comprendrais parce que j'ai été agacée lorsque j'étais jeune, avec mes dents croches, mes jambes maigres et mon nom bizarre. Agacé c'est agacé, n'est-ce-pas? Et bien non.

Ces dernières années, j'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs conférences nationales et nord-américaines sur l'adoption où se trouvaient les meilleurs spécialistes en leur domaine. Plusieurs ateliers portaient sur l'identité raciale et l'estime de soi chez les enfants ayant fait l'objet d'adoption transraciale. Je crois avoir le plus appris lors de présentations faites par des adolescents ou des adultes d'autres pays et d'autres races, adoptés par des familles nord-américaines blanches. J'ai vite compris en écoutant ces jeunes courageux que j'avais des idées fausses.

Mei-Lin, adoptée en Korée, expliqua qu'elle a compris à l'âge de huit ans que ses parents étaient complètement «dans le brouillard» lorsqu'il s'agissait de ce qu'elle vivait quand elle quittait le confort de sa maison et de sa famille. En compagnie de sa famille, dans le voisinage, elle était perçue comme appartenant à une famille transraciale. Elle était acceptée. Lorsqu'elle était seule, elle était une immigrante, une «boat people», chinoise, japonaise, asiatique et elle souffrait d'innombrables remarques raciales.

Elle dit que lorsqu'elle commenca sa première année, elle et un autre enfant recevaient tous les colibets. On l'agacait à propos de ses yeux: «Peux-tu voir avec ça?» Et de son visage rond et plat: «As-tu frappé un mur?» Elle ajouta que le petit garçon qui était aussi agaçé était blanc, mignon mais qu'il avait la malchance de porter des bas roses pour l'école. Mei-Lin se mit à trembler et à pleurer lorsqu'elle nous expliqua «qu'il pouvait changer ses bas. Je ne pouvais pas changer mes traits raciaux».

Elle poursuivit en indiquant au groupe, principalement composé de parents adoptifs, que nous ne rendons pas service à nos enfants si nous ne les préparons pas pour le «vrai monde», hors de la protection de nos foyers. Elle dit qu'il n'est pas correct de leur enseigner que tout le monde est fondamentalement gentil et qu'ils nous veulent du bien.

Elle ajouta qu'en tant que parents nous n'avons aucune idée de ce qu'on ressent en tant que minoritaire et que nous ne devons pas prétendre comprendre. Elle dit que d'être agaçé parce qu'on est gros, qu'on a des lunettes, qu'on est trop grand, trop petit ou chauve ne peut pas être comparé avec la peine profonde causée par le rejet en raison de sa race ou sa culture d'origine.

Elle dit que nous devons commencer tôt à préprarer nos enfants pour l'adolescence et les fréquentations. Elle dit que les garçons qui l'avaient connue toute sa vie l'ont rejetée à l'adolescence parce que leur parents n'approuvaient pas, allant jusqu'à dire qu'elle était très gentille mais qu'ils ne pouvaient prendre la chance d'avoir des petits enfants «chinois» (rappelez-vous que Mei-Lin est coréenne).

Nous avons tous senti sa peine alors qu'elle racontait son histoire. Elle précisa que même si nous essayons de comprendre en tant que parents, nous ni arriverons jamais complètement. Si nos enfants partagent leurs mésaventures raciales ou d'enfants adoptés, elle nous conseilla de ne pas dire: «Je sais ce que tu ressens». Nous ne le savons pas. Nous pouvons être une épaule compréhensive où pleurer. Ou bien, venir à la défense de notre enfant. Nous pouvons dire: «Je ne sais pas exactement ce que tu ressens, mais peut-être que tu peux m'aider à comprendre». Quoiqu'il en soit, il est important de défendre nos enfants; personne d'autre ne le fera.

Mei-Lin dit qu'après huit ans elle s'arrangea toute seule avec ses peines, sans partager avec ses parents parce «qu'elle ne pensait pas qu'ils pouvaient le supporter». Ses parents ont confié plus tard au groupe qu'ils étaient estomaqués d'entendre les souvenirs de leur fille. Ils pensaient à l'époque de l'adoption que tout ce qu'il suffisait à un enfant c'était de l'amour. Ils disent maintenant qu'ils étaient très naïfs. Le plus difficile travail commence quand l'enfant arrive. Nous devons apprendre à devenir les meilleurs parents possible afin d'essayer de prévenir les problèmes.

Il est vrai que ce n'est pas toutes les personnes que nous rencontrons qui sont malveillantes, mais nous devons être sur nos gardes. Lorsque ma fille était bébé, j'aimais bien que les gens m'arrêtent pour me dire «qu'elle a donc de beaux yeux noirs!», «de beaux cheveux noirs tout droits!», une «belle peau brune!» Bien que je pensais que c'était des commentaires positifs, à quatre ans ma fille en eut assez.

Un jour, près de chez nous, après que plusieurs personnes lui aient fait ces remarques encore et encore, elle cacha son visage dans mon ventre, accablée. Elle me dit qu'elle était fatiguée de ces gens qui disaient toujours la même chose. Ses cheveux, ses yeux, sa peau. Je réalisai qu'ils soulignaient ses traits raciaux, ce qui la rendait différente de moi. Ma fille lisait toute seule entre les lignes. Peut-être était-ce seulement son impression, mais elle le sentait bien. Ma fille et moi sommes très proches et je m'assure qu'elle sache qu'elle peut me parler de tout. Je veux être prête.

Il ne faut pas exagérer ni effrayer les futurs parents adoptifs. Cependant, on peut apprendre les uns des autres. Mon expérience n'est pas unique. Ce n'est pas tous les jours que cela se produit, mais cela arrive. Soyez prêts.
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Leceta Chisholm Guibault est mère de Kahleah, 11 ans, et de Tristan, 7 ans (du Guatemala et de Colombie). Elle est membre du conseil d'administration de la FPAQ et du Conseil d'adoption du Canada.
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Copyright 2004 Leceta Chisholm Guibault, leceta@citenet.net




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Updated Aug. 7, 2006







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